« T’as vu, je suis jolie hein? » me dit une jeune femme d’une trentaine d’années atteinte d’une trisomie 21. Je suis bouleversée par cette remarque, pourquoi ceci me touche tant? Je rentre chez moi avec cette phrase dans la tête et cette vision de cette jeune femme qui se regarde dans la glace avec une réelle satisfaction de l’image qui lui est renvoyée d’elle. En fait je crois que je suis particulièrement touchée car j’ai honte, honte d’avoir pu penser que cela devait être terrible pour ces filles de ne jamais pouvoir se trouver jolies tant la maladie déforme leur visage, honte d’avoir pu penser qu’elles ne devaient jamais aimer se voir dans leur miroir le matin…
Après quelques jours de réflexion, je me suis rendue compte que lors de ce travail pendant lequel j’étais sans cesse en contact avec ces femmes, je ne cessais de projeter sur elles ma propre vision du bonheur, comme s’il y avait des critères que l’on peut appliquer et qui nous assurent notre bonheur… S’ils existaient nous serions au courant!
En effet, lorsque nous nous occupons d’une personne dite « différente », nous devrions tenter de la regarder à travers son propre regard. Heureusement qu’une personne dont les assises narcissiques sont suffisamment solides peut se trouver belle dans un miroir alors que nous nous voyons à travers notre regard un visage déformé par la maladie. Nous apprenons, grâce à elle, que chacun décline le bonheur à sa façon, les objectifs ne sont pas tous à la même hauteur, chacun fait avec ce qu’il a et ce n’est pas pour autant mieux ou moins bien.
S’il y a une phrase à retenir c’est celle-là: « Regarde comme je suis jolie! », c’est-à-dire regarde moi avec mes yeux!